Magicrider : « Je n’aime pas jouer à un jeu sans comprendre ce qui se passe vraiment. »
Plongée dans la tête d’un « lab monster ».
Interview
Portrait
Melty Blood
Meilleur joueur incontesté de Melty Blood Type Lumina en Europe, Magicrider est également connu pour la quantité phénoménale de techniques qu’il découvre dans chaque jeu qu’il touche. Il a accepté de répondre à quelques questions pour nous éclairer sur la manière dont il creuse les jeux et s’entraîne.
Passion Versus : Comment as-tu commencé les jeux de combat ?
Magicrider : J’y joue depuis que je suis gamin. Mon grand frère jouait pas mal aux jeux de baston, à 8-9 ans je jouais à Guilty Gear XX Reload sur PS2 avec lui. J’ai pu en doser plein de différents à l’époque sur cette console et sur PC, c’était un peu l’âge d’or. Touhou, Eternal Fighter Zero… Puis Street Fighter 4, Blazblue…. Mais je ne faisais pas vraiment de compétition, quelques tournois Fnac et online à la rigueur. J’habitais dans un coin paumé, c’était compliqué de me déplacer.
PVS : Quand est-ce que tu as vraiment commencé les compétitions ?
Magicrider : Après mon bac, quand je suis allé à Nantes et que Street Fighter 5 est sorti. J’ai pu me déplacer plus facilement, rencontrer les communautés. J’ai commencé à doser de plus en plus, faire des locals, gagner du niveau… ça m’a vraiment lancé dedans.
PVS : C’est à ce moment là que tu as découvert la profondeur des jeux, la frame data, etc ?
Magicrider : Non, c’est depuis que je suis gamin. Déjà parce qu’à l’époque, il n’y avait pas trop de online, et parce que mon but c’était de battre mon frère ! Je faisais beaucoup de training pour essayer de le battre, je voulais progresser, découvrir des trucs. J’allais sur des forums, lisais des guides, envoyais des messages sur le Xbox Live… Et je regardais les vidéos de Ken Bogard, évidemment.
PVS : Tout ça a bien changé, aujourd’hui on a les wikis, les replays, les discords...
Magicrider : Oui et c’est tant mieux ! Le sharingan c’est le plus important dans les jeux de combats ! rires L’accès à l’information ça a vraiment révolutionné le genre, j’ai du mal avec la mentalité de « cacher les techniques », de ne pas vouloir montrer ce qu’on découvre. J’aime bien partager ce que je trouve en training mode. Je prépare d'ailleurs un gros document sur "Comment bien jouer à Melty Blood Type Lumina" !
PVS : Comment est-ce que tu découvres des nouveaux combos, des optimisations ?
Magicrider : C’est vraiment de la curiosité et de l’amusement ! Imagine que tu joues, et ton dragon touche de dos. Là tu te dis :« si ça se trouve, en training je vais pouvoir faire des trucs rigolos avec », donc tu essaies de refaire l’interaction, d’en mettre deux à la suite... Pour les optimisations c’est un peu différent. C’est important de bien comprendre le système de combo : par exemple dans Melty Blood Type Lumina et Under Night in Birth, le but pour optimiser les combos c’est d’utiliser une seule fois un coup dans un combo. Donc tu dois essayer de trouver des routes en prenant ça en compte. Je comprends que tout le monde n’aime pas spécialement ça, mais en training mode tu es tout seul, tranquille, tu décortiques les jeux, et c’est ce côté là que j’aime bien.
PVS : Tu es réputé pour être un de ces « joueurs du day one », qui comprend très vite un jeu et gagne des compétition dès la sortie. Comment fais-tu pour être fort rapidement sur un nouveau jeu ?
Magicrider : C’est quelque chose qui se construit quand tu joues à plein de jeux de baston. En découvrant de nombreux systèmes différents, plein de manières dont les persos interagissent, tu vas pouvoir t’adapter vachement plus facilement, parce que tu connais déjà bien comment ça se passe dans les autres jeux. Il y a des mécaniques que tu vois partout, comme des mécaniques de cancel, des archétypes de personnages...
PVS : C’est comme ça que tu as pu gagner rapidement sur Strive à la sortie, notamment l’ESL ?
Magicrider : Strive était un jeu assez simple au début, donc ça a été facile de se mettre dedans. De plus, il est très différent des précédents : même si j’affrontais d’anciens joueurs de Guilty Gear, ces derniers n’avaient pas un énorme avantage. Au début de la vie d’un jeu, pour gagner rapidement, pour « arnaquer le day one » comme on dit, il faut prendre un personnage fort et simple à jouer. C’est comme ça que j’avais décidé de garder Sol et Ramlethal, même si Zato m’intéressait, je savais que ça allait être trop dur de gagner avec lui rapidement. Ensuite, il faut travailler quelques combos de base, tester des mixups et des pressions contre soi-même pour voir ce qui marche ou pas… Et même s’il y a des counterplays, tant que personne ne les connaît on peut en abuser ! Mais bon ça c’est vraiment pour le court-terme, progresser dans le temps ce n’est pas la même chose.
PVS : Et pour Melty Blood Type Lumina, qui est devenu ton jeu principal, cela s’est passé comment ?
Magicrider : Là c’est différent. J’avais beaucoup aimé l’opus précédent, alors je l’attendais vraiment et je savais que je voulais m’y investir. Quand le jeu est sorti, je ne travaillais pas, alors la première semaine j’avais passé 80 heures en training. Juste pour comprendre comment le jeu marche, toutes les interactions, comment le système de combos fonctionne... Apprendre des BnBs [combos de base, NDLR] c’est facile, mais quand tu connais le système tu peux construire tes combos tout seul. Et Melty c’est hyper riche ! En fait, quand je joue à un jeu avec la perspective de try-hard, je n’aime pas ne pas comprendre ce qui se passe vraiment. Ça va me frustrer si je me fais knowledge check par exemple [perdre à cause d’une méconnaissance du jeu, NDLR], si je ne comprends pas un personnage, donc je passe beaucoup de temps en training, surtout à la sortie.
PVS : On t’a vu sortir un nombre indécent de personnages dans les différents tournois Melty Blood Type Lumina, comment fais-tu pour en jouer autant ?
Magicrider : Quand un jeu me plaît vraiment beaucoup, j’aime bien tester tous les persos. Ça revient à ce que je disais sur être fort day one : plus tu sais jouer de persos différents, plus ça va vite de taffer un nouveau perso. Après, il faut avouer que ça dépend beaucoup des jeux, Melty c’est assez « basique ». Dans des jeux comme Blazblue c’est impossible de prendre un nouveau perso et de bien le jouer rapidement. Même quand tu sais en jouer quatre ou cinq, ils sont trop différents.
PVS : Tu utilises des outils pour t’aider en lab ?
Magicrider : Ça m’est déjà arrivé oui. C’est sûr que c’est pratique pour certaines choses comme trouver des setups bien particuliers, et c’est mieux quand c’est accessible directement in game. Sinon jeter un œil au wiki pour voir la frame data et les hitboxs suffit en général.
PVS : Est-ce que pour toi le lab est une fin en soi ?
Magicrider : Non le lab seul ne me suffit pas : le but c’est aussi d’aller faire des matchs après, donc si le jeu est nul je ne vais pas retourner en training pour le fun.Un jeu qui est trop bien en training, c’est Marvel VS Capcom Infinite, notamment grâce à son système de tag hyper libre. Peut-être même trop libre : les possibilités étaient infinies, et ça donnait des choses vraiment sales en match, ce qui fait que j’ai vite arrêté. Ça a été un peu la même chose pour DNF Duel : je me suis amusé une semaine en training, puis j’ai fait des matchs, j’ai vu à quoi ça ressemblait et je n’ai pas continuer à jouer. Même si j’adore trouver des combos marrants mais inutiles, je ne suis pas comme les combos maker qui peuvent ne faire que ça.
PVS :Pour finir, un petit conseil pour s’améliorer en jeu ?
Magicrider : Faire les tutos déjà ! Surtout quand ils sont très bons comme dans Strive ou UNI. Aussi, regarder ses replays c’est hyper important. Quand je fais des tournois, je vais tout le temps regarder mes matchs, même si j’ai gagné facilement. Pour voir ce qui peut être amélioré, comment mon adversaire a joué… Enfin il faut labber intelligemment, savoir quoi faire une fois en training mode pour ne pas perdre son temps : ce n’est pas tellement le nombre d’heures passées en training qui compte mais comment on les a exploitées.
PVS : La prochaine étape, c’est Under Night in Birth 2 ?
Magicrider : Oui, UNI2 je vais y aller à fond ! J'ai hâte de découvrir plein de choses dessus. Dans les betas en temps limité je n'ai pas testé les nouveaux persos par exemple, je préfère prendre mon temps pour bien les étudier à la sortie. Ce qui est cool, c’est qu’il y a déjà plein de joueurs forts qui jouent à UNI et que j’aurai beaucoup de taff à faire pour les rattraper ! Sur Melty la compétition stagne un peu, et énormément de joueurs sont des fans d'UNI à l'origine donc on se retrouvera sur ce nouveau jeu !