Passion Versus

Jodd, qualifié français au Tekken World Tour 2024

Step by step.

Rédigé par Vlaïr

Interview

World Tour

Tekken


Après un circuit de moins d'un an, le Tekken World Tour lance ses phases finales du 5 au 8 décembre au Japon. 20 joueurs sont qualifiés grâce à un leaderbord global, et 15 grâce à un système de région, sans compter un Last Chance Qualifier qui octroit deux places. Passion Versus a pu rencontrer Georges "Jodd" Nguende, le seul joueur français actuellement qualifié pour cette finale, afin de revenir sur son année de compétition.

Crédits photos (ci dessus et miniature) : Stephanie Lindgren @Vexanie pour UFA @UFA_Gaming

Les phases finales du Tekken World tour sont à suivre en français sur la chaîne Twitch de Scel et en anglais sur la chaîne officielle Tekken.

Passion Versus : Tu étais vraiment monté en puissance sur Tekken 7 et et à la fin tu étais considéré comme un des meilleurs, si ce n'est le meilleur joueur français. Comment as-tu vécu le passage à Tekken 8 ?

Jodd : Pour moi, ça n’as pas changé grand-chose, parce que mon optique, ça a toujours été de faire les choses correctement. C'est-à-dire que lorsque je jouais à Tekken 7, je ne jouais pas que pour gagner, je jouais pour m'améliorer, pour être légitimement fort. Ce qui fait que tous les fondamentaux que j'ai acquis sur Tekken 7 se sont transférées naturellement : c'est pour ça qu'au début du jeu j'ai gagné tous les tournois en Europe ! Je continue sur la même lancée, la même optique, m'améliorer toujours et encore.

PVS : Il y a quand même eu des changements de mécaniques, sur les personnages...

Jodd Le jeu est plus agressif, on est vraiment récompensé quand on prend des décisions rapides et offensives. Dans le 7, on était davantage récompensé à ne rien faire, tu pouvais reculer pendant 50 secondes et c'était pas une mauvaise chose. Dans le 8, si tu fais ça, tu te fais manger ! D’ailleurs, mon personnage, Nina, est devenu un des meilleurs du jeu alors que ce n’était pas un très bon personnage sur Tekken 7… Notamment parce que ce qu'elle fait correspond exactement à la thématique du jeu, être agressif, appuyer sur beaucoup de boutons… Donc maintenant, il y a plus de joueurs qui se sont mis à la jouer. J'ai pu regarder un peu ce qu'ils font, comparer et voir ce qui marche ce qui marche un peu moins… Des joueurs comme Arslan Ash (souvent considéré comme le meilleur joueur du monde sur Tekken, ndlr) se sont remis à l’utiliser alors qu’il n'y a pas touché du tout sur le 7. Lorsqu’un grand joueur joue ton perso, tu peux t’en inspirer.

PVS : Quel est ton sentiment sur cette -courte- année de compétition ?

Jodd : J'ai bien aimé ! J’ai été signé par l'équipe FATE à la fin de Tekken 7, donc j’ai abordé le nouveau jeu avec un sponsor, ce qui m’a permis de voyager, de faire plein de tournois et de rencontrer de gros joueurs. Avant ça, je ne pouvais faire que des tournois en Europe. En plus mon sponsor est super sympa et ne me met pas la pression. Bien sûr, je me suis mis la pression moi même en rejoignant une grosse équipe, c'était le sponsor de Arslan Ash à l’époque, mais une fois les premiers mois passés, après avoir fait de bonnes performances, je me suis senti plus à l’aise. Ce qui a été plus difficile, c’est que les tournois étaient trop resserrés. La Côte d'Ivoire, Dallas juste après, puis la Suède, ça ne s'arrêtait jamais, c'était un peu épuisant.

Le joueur français a enchaîné de belles performances tout au long de l'année.

PVS : As-tu senti l’effet sur ton niveau de jeu de ces voyages à l'international ?

Jodd : Honnêtement, avant de l'avoir fait, je ne me rendais pas compte à quel point c'était important de s'exposer à tous ces joueurs différents. Par exemple, je n'avais pas vraiment eu l’opportunité de jouer avec Arslan Ash avant. Lorsque je suis allé à Dallas, j'ai pu jouer un peu avec lui. Ce n'est pas une exagération de dire que pendant ces 20 minutes contre lui, j'ai plus progressé qu’en 1 000 heures passées à jouer dans ma chambre. C'est vraiment incroyable. Je pense que je ne me serais pas qualifié pour la e-sports world cup à la dreamhack summer si je n'étais pas allé à Dallas juste avant et que je n’avais pas joué avec Arslan. Regarder un joueur et jouer contre lui, ce n'est vraiment pas la même chose.

PVS : Revenons au World Tour, l’objectif depuis le début c’est de te qualifier ?

Jodd : C'est ça. Et j'ai pris des risques, je n'étais pas censé aller en Côte d'Ivoire par exemple. C'était un Master Event, les deuxièmes tournois les plus importants du Tour, mais il n'était pas dans mon contrat. J'ai insisté et finalement je l’ai gagné ce qui m'a permis de me qualifier. C'était un gros risque, mais pour une très grosse récompense.

PVS : Depuis que tu sais que tu es qualifié, comment se passe ta préparation ?

Jodd : C'est une combinaison de plusieurs choses : regarder les joueurs qui sont qualifiés, comment ils jouent, essayer de voir un peu ce à quoi je peux m'attendre, m'entraîner moi-même, jouer contre des joueurs européens qui sont forts, jouer contre des joueurs mondiaux si j'ai l'opportunité. Récemment, j'ai aussi compris l'importance de prendre soin de soi, c'est-à-dire manger correctement, manger trois repas par jour, boire de l'eau, ce genre de choses. Parce que la différence de performance lorsque tu le fais et lorsque tu ne le fais pas, elle est énorme. Ça aussi, ça fait partie de la préparation. Être prêt physiquement et mentalement. J'ai toujours eu cette habitude de ne pas manger, par exemple, lorsque je faisais les tournois, parce que ça me rendait lourd. Et j'ai eu un tournoi récemment où je n'ai pas mangé, je n'ai presque pas bu. Arrivé à 17h, mon cerveau ne fonctionnait plus ! C'est là que je me suis dit, « OK, il faut que j'étudie cet aspect de la compétition ». Finalement, le fait que ce soit les finales ne change pas grand-chose à ma préparation. Le but c'est d'y aller et de faire son mieux, d'être soi-même et à l'aise. Comme ça, même si tu joues contre quelqu'un que tu ne connais pas, en général ça se passe bien.

Sa qualification aux points lui donne accès à une première journée décisive dans l'accès au Top 16 final du tournoi.

PVS : Parlons un peu méta. Bien que tu considères jouer un personnage fort, est-ce qu'il y a des personnages que tu redoutes ?

Jodd : Dragunov est très très populaire parce que c'était le meilleur perso du jeu depuis la sortie, jusqu'à récemment. Il est toujours très fort, il y en aura beaucoup, mais je ne pense pas que ce soit le meilleur. À part ça, tout le monde a son main et c'est un jeu où tous les persos sont forts en fait. Il y a des persos au dessus bien sûr, mais tu peux choisir le « pire » perso du jeu et être dangereux. N'importe lequel peut te mettre la misère si t'es pas prêt, il faut vraiment faire attention. Si tu vas sur Twitter, c’est la guerre tous les jours avec des gens qui se plaignent d'un perso et les mains de ce perso qui vont se défendre... et ça tourne sur tout le character select screen ! En tant que Nina plus spécifiquement, elle peut avoir du mal à s'approcher des adversaires et à les coller. Ce qui fait que les persos qui ont de bons mouvements posent problème, comme Alisa par exemple. Tu es vraiment obligé de faire des trucs que tu n’as pas envie de faire pour pouvoir simplement la toucher, alors qu'elle joue normalement. Il faut prendre des risques, dash constamment..

PVS : Parmi les joueurs présents, qui sont les favoris pour toi ?

Jodd : Arslan et Ulsan sont les deux favoris. Atif aussi, il bat tout le monde, genre très sauvagement, sauf qu’en général lorsqu'il joue contre Arslan il perd… donc s'ils se croisent, c’est un problème pour lui. Après, tous les joueurs peuvent être très dangereux. Parce que tu regardes le classement, il y a des joueurs comme LowHigh qui est 18ème alors qu’il est incroyablement fort et que personne ne serait surpris s’il gagne !

PVS : Les régions hors Asie sont très peu représentées dans les qualifiés. Comment vois tu la différence entre le niveau « occidental » (EMEA + Amériques) et l'Asie ?

Jodd : Pour moi, la différence c'est dans la mentalité. Je vais être très honnête, et je ne dis pas ça pour être arrogant, mais je pense qu'en termes de potentiel pur, moi, par exemple, j'ai encore beaucoup à montrer. Mais le problème, c'est que j'ai une mentalité en tournoi qui n'est pas bonne par rapport à celle des Pakistanais. Arslan, à qui j’ai pu poser des questions à Dallas, est tellement intelligent sur la façon de jouer au tournoi. Il pense simplement : « il faut juste que je fasse ça et ça, et je gagne. » Il s'en fiche qu'il joue contre l'un des meilleurs joueurs, il a son plan très simple, il va l'appliquer parfaitement et il va gagner. Et tu te dis, mais comment est-ce qu'il gagne en utilisant trois boutons ? C'est un compétiteur qui joue pour gagner. Alors que moi, j'ai trop cette optique, comme beaucoup de joueurs européens, de vouloir « bien jouer ». Avoir un mouvement très rapide, très fluide, tout bien faire, etc. Alors que le but, c'est pas d'être fancy c'est de gagner en fait !

PVS : En plus évidemment de l’histoire sur Tekken d’une région ou du pool de joueurs, pour toi c’est vraiment le mental qui joue ?

Jodd : Oui, les pakistanais, par exemple, ont la mentalité parfaite pour les tournois, c'est pour ça qu'à chaque fois qu’il y a un pakistanais que tu n’as jamais vu, il fait un tournoi avec les meilleurs joueurs du monde et il fait top 3. C’est pareil pour les Coréens, c'est une mentalité différente. Parce que tout le monde est fort, je suis fort, Joka est fort, Sephiblack est très fort, Tetsu est très fort… Mais pourquoi est-ce que ces joueurs très forts n'arrivent pas à performer comme les Pakistanais ? Pour moi c'est dans la mentalité. En tournoi, mais aussi en entraînement. Parce que je pense que la façon dont jouent les Européens, en ligne, n'est pas bonne. Je suis l'un des seuls à vraiment jouer pour progresser, en fait. Parce qu'en practice, ils jouent trop pour gagner et pas pour progresser. Moi, ça ne me dérange pas de perdre si j'apprends des trucs. Et on dirait que je suis le seul. Ce qui fait que des fois, tu perds un peu ton temps à vouloir jouer, refaire les mêmes matchs en boucle alors qu'il serait plus intéressant de creuser et de pouvoir rattraper les Pakistanais, Coréens, Japonais, etc.

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