Verix : « Le plus important en tant que compétiteur, c’est d’apprendre de ses défaites. »
Le champion sénégalais de l'UFA nous raconte son parcours.
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Il fait trembler l’Europe et le monde sur Guilty Gear Strive, et sa ténacité est enfin récompensée : Ismaila « Verix » Gueye est le champion de l’UFA 2023 et le premier joueur sénégalais a remporté un titre aussi prestigieux sur un jeu de combat. Il revient sur son parcours pour Passion Versus.
Passion Versus : Comment as-tu découvert les jeux de combat et la compétition ?
Verix : J’ai vraiment commencé avec Dragon Ball FighterZ. C’est avec ce jeu que je me suis intéressé à la compétition, que j’ai regardé les tournois comme l’EVO ou l’UFA. J’essayais d’être compétitif, mais ce n’était pas possible avec le netcode, il y avait beaucoup de lag. Je ne pouvais pas affronter les meilleurs, et il n’y avait qu’une seule personne avec qui je pouvais jouer offline, car il n’y a pas vraiment de communauté de jeux de combat au Sénégal.
PVS : Puis Strive est arrivé ?
Verix : Quand ils ont annoncé le nouveau Guilty Gear à l’EVO, je n’étais pas spécialement intéressé. Mais il y a eu les betas, et le jeu était développé par ArcsystemWorks qui avait fait DBFZ, donc je me suis dit « pourquoi pas ». C’est surtout le rollback netcode qui m’a intéressé, qui me permettait de jouer avec bien plus de joueurs que sur DBFZ. C’est vraiment à la beta ouverte que je me suis dit que le jeu était bien, et que je pouvais m’y lancer et essayer d’être compétitif. Pouvoir jouer avec l’Europe et le Moyen-Orient m’a vraiment motivé !
PVS : Comment se sont passé tes débuts sur le jeu ?
Verix : Au début il n’y avait pas de crossplay et je jouais sur PS4. Malheureusement, il y avait très très peu de tournoi sur console donc j’essayais d’en faire le maximum . L’autre gros souci, c’est que comme je suis au Sénégal, les organisateurs se disaient que c’était loin et que la connexion risquait d’être mauvaise. Alors que ce n’était pas le cas, je pouvais jouer avec pratiquement tout le monde. C’était une période compliquée, mais j’ai réussi à négocier et ça s’est bien passé !
PVS : Et donc, ça t’a vraiment lancé dans la compétition ?
Verix : Oui, mais il restait des obstacles à surmonter. J’avais du mal à élever mon niveau, à cause du manque de tournois et parce que les tops players préféraient le PC. Mais début 2022, grâce à mes bons résultats, l’équipe sénégalaise SOLO Esport m’a remarqué et m’a proposé un contrat. J’ai pu profiter de leur PCs gaming et j’ai fini par m’en acheter un aussi. Ça m’a permis de vraiment progresser !
PVS : Ensuite, ton premier tournoi offline a été le Mix-Up 2022, à Lyon, où tu as fait 7ème !
Verix : C’était un tournoi important, qualificatif pour l’ARC World Tour, donc j’ai voulu tenter ma chance. Ma performance était bien, mais j’ai senti que je manquais d’expérience, surtout par rapport aux autres joueurs. Je n’étais pas satisfait, mais ça allait. Par contre l’UFA 2022, un mois plus tard, je refais la même place qu’au Mix-Up… et j’ai vraiment eu le seum ! Je pensais que j’avais largement les capacités de gagner le tournoi, je n’ai pas trop compris les raisons de mes défaites.
PVS : Il faut ensuite attendre plus de six mois pour te revoir offline, et cette fois à l’EVO, aux Etats-Unis.
Verix : J’étais assez confiant pour l’EVO. Le Mix-Up et l’UFA m’ont appris beaucoup de choses, sur ce que je dois corriger et améliorer dans mon jeu. En tant que compétiteur, le plus important c’est d’apprendre de ses défaites. En plus, je pense que les joueurs me sous-estimaient et ne me connaissaient pas trop. Quand j’ai regardé les adversaires que je devais affronter, ça allait en termes de match-up (les personnages qu’il devait affronter, NDLR), mais j’avais de gros joueurs parce que je n’étais pas très bien seedé (le seeding correspond au classement des têtes de série, qui détermine l’arbre du tournoi, NDLR). Je suis tombé sur Tempest, un des meilleurs joueurs américains ! C’était l’un de mes adversaires les plus difficiles, et quand je l’ai battu j’ai su que j’allais arriver en Top 6. C’était ma meilleure performance à l’époque, et j’ai eu beaucoup de visibilité. Mais il y avait quelque chose de vraiment énervant : à chaque fois, j’arrivais dans les phases finales, sur la grande scène, je jouais un match et je perdais !
PVS : Mais tu as pu vaincre cette malédiction un mois plus tard, au CEOtaku.
Verix : Cette fois-ci j’ai perdu après avoir gagné un match ! C’est le tournoi où j’ai été le moins déçu je pense. Il venait d’y avoir la mise à jour de la saison 3, je ne connaissais pas bien les match-ups et n’avais pas bien intégré les nouvelles mécaniques. En fait, pendant le tournoi, je pensais déjà à l’UFA ! À comment j’allais appréhender le tournoi, parce que je tenais vraiment à avoir ma revanche sur l’année d’avant.
PVS : Comment t’es tu entraîné justement, pour l’UFA ?
Verix : J’ai tiré des leçons de mes erreurs du CEOtaku. Je me suis amélioré sur la gestion des nouvelles mécaniques de la saison 3 et j’ai appris les match-ups que je risquais de croiser : je me suis surtout concentré là-dessus. Je ne pense pas que je fais des choses spéciales, je vais en mode training, je fais des sessions avec des tops players, quelques tournois en ligne. Par contre, c’est vrai que je découvre des choses en lab. Le match-up Zato par exemple était vraiment difficile à une époque, et j’ai développé des techniques qui marchaient bien contre lui !
PVS : Comment as-tu vécu cet UFA 2023 ?
Verix : Déjà, c’est un très bon tournoi en général. L’un des meilleurs auxquels j’ai participé, avec le CEOtaku. L’ambiance est bonne, la scène bien faite, et je connaissais déjà grâce à 2022. Par rapport à mon bracket, je me suis dit « Objectif top 8 Winner side », ce que j’ai enfin réussi par rapport à mes tournois précédents. À ce moment-là, je me suis dit que c’était clairement faisable, que je pouvais gagner le tournoi. Le dimanche en top 8, j’affronte d’abord Sorani : c’était très difficile, c’est la 1ère fois que je faisais un reverse 3-0 sur scène (être mené 2-0 et finalement gagner 3-2, NDLR). Je me suis fait reverse 3-0 par Tiger_Pop d’ailleurs en Winner final, mais j’ai réussi à le reset en Grande finale après un match très difficile, et ensuite j’avais le momentum pour gagner le tournoi. En plus l’année dernière c’est Jason Thomas (Jetstream) qui m’avait éliminé en mirror Nagoriyuki, cette fois c’est moi qui l’ai battu ! Là où j’étais vraiment satisfait, c’est que les matchs que j’avais perdus à l’EVO, c’était un mirror match et un Happy Chaos. Donc je les ai vraiment travaillés, et c’est ça qui m’a permis de gagner le tournoi (Tiger_Pop joue Happy Chaos, NDLR) !
PVS : Avec cette victoire, tu t’es qualifié pour l’Arc World Tour ! Comment tu sens ces finales ?
Verix : En vrai, par rapport à la méta, à mon personnage, ça va. Pas mal de gens parmi les qualifiés jouent Asuka, et je pense que c’est un bon match-up pour moi. J’ai surtout des doutes par rapport aux joueurs asiatiques. Je n’ai jamais pu jouer longtemps contre eux, et il y a des personnages qu’on a pas à très haut niveau en EMEA (Europe Moyen Orient Afrique, NDLR) comme Ino ou Faust. C’est vraiment les match-ups « joueurs » que je redoute plus que les personnages. Mais je vais me préparer au mieux, apprendre tous les match-ups, en espérant que ça suffise pour gagner !
PVS : Et c’est ce qu’on te souhaite ! Sinon, comment conjugues-tu ta vie personnelle avec la compétition ? Avec les voyages, etc.
Verix : C’est difficile, mais on s’y habitue avec le temps ! Je suis en Master 2 maintenant. Pour aller en France ça va, il y a des vols directs et c’est 5-6 heures de vol. C’est plus long pour les Etats-Unis, c’est sûr... Heureusement je n’ai pas trop eu de problèmes de visa pour l’instant.
PVS : Un petit mot pour finir cette interview ?
Verix : L’Afrique est un peu oubliée dans les jeux de combat, c’est dommage. Il peut y avoir de bons joueurs, je sais par exemple qu’il y a une communauté Tekken en Côte d’Ivoire, des joueurs en Afrique du Sud... D’ailleurs, sur Strive, il n’y avait pas de région « Afrique » avant l’EVO. Mais juste après mon top 6, ils en ont rajouté une !
Retrouvez un entretien sur l'E-sport au Sénégal, dont Verix et son manager, sur le site Cultea.